D'accord, mais pourquoi "Tigre" ?
La Murmuration qui vous révèle les secrets de fabrication d'un nom de code
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Place au billet qui n’achète rien, une Murmuration où je vous raconte comment le projet de biographie de Marguerite Durand - à paraître en mars 2025 chez les éditions Pérégrines, trop trop hâte - a été mentionnée sous le nom de code “Projet Tigre” pendant des mois.
Au départ, avec les éditrices, on s’engage à être discrètes sur le nom de mon héroïne : c’est un projet long nécessitant plusieurs mois de travail, qui devra pouvoir être inédit en librairie pour fonctionner, logique commerciale certes qui s’entend. Alors, motus. Marguerite Durand devient Tigre.
Mais pourquoi Tigre ? Rien à voir avec une féministe utilisant la presse pour faire valoir ses idées suffragistes. Et bien en fait si.
Les dramaqueens du début du 20e siècle, la colonisation (pas toujours dénoncée - smiley triste) aidant, avaient des animaux qu’on qualifierait de sauvages. Sarah Bernhardt et son guépard, ses lynx, singes et perroquets ; Marguerite Durand et une lionne.
Pourquoi, comment, je ne sais pas, mais le gouverneur général de l’Afrique-Occidentale française, huit pays envahis par la France, envoie une lionçonne1 à Marguerite. Elle la nomme Tigre. Par facétie, parce qu’on surnomme ainsi son ami Georges Clémenceau, par facétie pour les noms qu’elle donne aux animaux qui l’accompagnent dans la vie : “Blouse Blanche”, une souris blanche, Puce et Rigola, ses deux petits chiens…
Elle fait un évènement de l’arrivée de Tigre chez elle, elle convie ses amiX et les médias au baptême de la lionçonne le 20 février, comme au baptême d’un enfant. En attendant, Tigre se balade dans la maison dont elle déchiquette les coussins et banquettes et dans le jardin (retourné) sous le regard ahuri des voisin·es.
Marguerite fait aussi de Tigre une actualité médiatique qu’elle lie à sa campagne pour les élections législatives de 1910. Aucun article mentionnant l’initiative de Marguerite Durand de se présenter malgré son inéligibilité parce que pas “citoyen” reste silencieux à propos de cette lionçonne accueillant les journalistes venus interviewer la candidate. Vous imaginez qu’ils ne sont pas très sereins ! N’empêche, tout le monde les veut en photo toutes les deux, elle reçoit plusieurs demandes de shootings.
Une caricature montre notamment Marguerite Durand coller des affiches électorales à l’aide de Tigre :
Le programme féministe (mais avec un move validiste pas super super, je vous raconte une prochaine fois - ou dans le livre - smiley ange) de Marguerite Durand, présenté lors de plusieurs réunions publiques dans le 9e arrondissement de Paris parfois houleuses (ça va jusqu’au duel), aborde l’égalité salariale, l’accession des femmes à toutes les écoles, toutes les carrières et toutes les fonctions publiques, la rétribution du travail ménager exercé par les femmes, permettant aux hommes d’aller travailler à l’extérieur…
Elle n’est pas élue, puisque les bulletins aux noms des femmes candidates2 ne seront pas comptés. Tigre ne restera chez Marguerite que quelques mois : à l’été, elle partira à la ménagerie du Muséum d’Histoire naturelle, faute de place dans un immeuble du centre-ville parisien.
Vous voici donc dans le secret de fabrication du projet Tigre.
Et vous, si vous pouviez avoir un animal “sauvage/exotique” (mais sans que ça le maltraite, on est donc dans une situation imaginaire) à la maison, ce serait qui ? et pourquoi ?
Alice (mon éditrice qui relit avec une précision d’orfèvre mon manuscrit), tu as vu, j’ai complètement intégré “lionçonne”
Hubertine Auclert, Madeleine Pelletier, Caroline Kauffmann notamment, les mêmes qu’on trouve dans les luttes féministes de l’époque, comme cette manifestation contre le Code civil racontée ici :
Comme toujours, une superbe murmuration 😍